Le flux Créatif Immatériel
Le flux immatériel se matérialise par des formes et des couleurs.
Avez-vous déjà fait l’expérience en état d’éveil et en fermant les yeux de voir apparaître des formes libres et des couleurs en mouvement ?
La première image qui apparaît est souvent liée à une empreinte visuelle de ce que nous regardions avec des tracés plus lumineux que d’autres. Ces tracés tendent ensuite à disparaître pour former une image noire.
Si nous restons les yeux fermés et que nous tentons de regarder cet ‘espace’ noir et opaque ; des tâches en mouvement peuvent apparaître. Certains experts en neuro-ophtalmologie apportent des théories pouvant expliquer ce phénomène : en savoir plus.
Quand on maintient cette activité, ces tâches peuvent évoluer vers l’apparition de formes et de couleurs en mouvement. Cette expérience est très intéressante car elle démontre que ces formes libres, ces couleurs ne correspondent pas à des représentations rationnelles (objet et autre) et que le fait qu’elles puissent apparaître en mouvement et non coordonnées ou rythmées, cela indique une activité indépendante de notre état de conscience. Elles ne sont ni le fruit de notre intellectualisation, ni soumise à notre conscience volontaire. A ce stade, il me semble réducteur de penser que ces formes libres colorées soient liées au fonctionnement même de l’œil (activité continue de l’œil, flux sanguin etc.) ou d’une déficience oculaire puisque ma propre expérience s’exerce à partir d’une vue de bonne qualité, à moins que je ne devienne le premier jeune sujet (35 ans) qui souffrirait du Syndrome de Charles Bonnet ! Il apparait comme vrai que ce qui n’a pas été démontré comme faux.
Avec la répétition de ce type d’expériences, à tout moment de la journée, avec un certain degré de concentration et surtout sans tenter de prendre le contrôle sur ce qu’il se passe et ce qu’il peut se passer, il semblerait que ces formes libres et ces couleurs puissent produire des images mentales. Elles apparaissent davantage dans un contraste de clair obscur avec parfois des effets de lumière assez intenses qui rendent les formes beaucoup plus perceptibles et plus formelles. Sans pour autant chercher à les décrypter ou les reconnaître, elles peuvent apparaître comme des silhouettes, des visages presque à en identifier le genre (homme ou femme), des animaux de toutes sortes (oiseaux, éléphants, lions, serpents, papillons etc.), des éléments naturels tels que des arbres et tout autre forme composée non identifiée ou portée à notre connaissance à ce jour. Il est à noter que les visages ne correspondent pas toujours à ceux de personnes que nous connaissons.
Contrairement à Charles Bonnet, aucun objet, aucune architecture, aucun élément relatif à la construction humaine ne sont apparus. Cela diffère également du rêve dans le sens où les formes apparaissent, puis disparaissent tout en mouvement. Elles ne semblent pas être soumises à une impression de réalité comme dans un rêve ou une hallucination. Elles ne font intervenir aucun autre des 5 sens, ni l’ouïe, ni le goût, ni l’odorat, ni le toucher. Le réalisme tend dans le détail, en aucun cas dans la globalité, on ne peut s’y méprendre.
Aucune suite logique ne permet de comprendre la succession des formes qui apparaissent et dès lors qu’on active certaines fonctionnalités du cerveau pour tenter de visualiser les ‘images mentales’ ou tenter de comprendre leurs enchainements ou enfin par le fait qu’une image nous évoque une pensée et un souvenir, on sort de ce flux immatériel, elles disparaissent.
Il n’y a aucune connotation de type magique ou mystique de l’emploi de l’adjectif immatériel. Même s’il faut bien avouer qu’il serait plaisant de croire que cet espace noir n’est pas une image noire mais bien un espace immatériel où prend forme des couleurs, des contrastes colorés. Il a bien été pensé des siècles durant (peu importe les raisons, il ne s’agit pas d’ouvrir un débat religieux, politique ou autre) que la terre ‘était’ plate !
L’objectif est surtout d’arriver à conceptualiser les éléments pour poursuivre cet exposé. Le plus intéressant est sans nul doute que ce phénomène se réalise dans un rapport incontrôlable, immaîtrisable, non défini. Il faut accepter d’être pleinement observateur, de s’abstenir de tout contrôle et enfin d’être entièrement neutre face à la situation.
L’intérêt de cette expérience n’est pas d’analyser ce qui peut ‘apparaître’, comprendre l’enchainement des images mentales, d’établir un lien direct ou indirect avec le sujet ou encore entre le conscient et l’inconscient (qu’il soit d’ordre psychologique, psychanalytique ou autre).
Il est plus intéressant de se positionner jusqu’au bout en qualité d’observateur et d’établir des relations qui n’auront probablement pas de liens à notre connaissance.
Combien de personnes se sont retrouvées dans la situation où une idée leur est apparue subitement alors qu’elles pensaient ou faisaient autre chose ?
Dans les deux cas, l’individu n’avait pas le contrôle de la situation. Il serait possible d’émettre l’hypothèse suivante : l’inconscient au sens psychologique du terme prendrait le contrôle à ce moment là ? Le flux immatériel, qui lui paraît être détaché de toute emprise et implication du sujet, serait le fruit ou résultat de notre inconscient ? Si ce n’est pas le cas, quel est le lien entre les deux ?
La difficulté à ce stade est de définir ce que peut être l’inconscient. La conscience est l’état d’un sujet qui révèle avoir la capacité à prendre le contrôle de sa perception. ‘Je pense donc je suis’ n’est que le résultat de la perception que nous pouvons avoir de nous-même. Si la conscience se rattache à la maitrise de notre perception, à notre capacité intellectuelle à la formuler et la matérialiser, qu’en est-il de l’inconscient ?
S’il fait l’objet d’un rapport antonymique, nous pourrions considérer qu’il correspond à ce qui n’est pas contrôlé, ce qui n’est pas maîtrisable, une similitude importante avec le flux immatériel. Cependant, une différence persiste. Il n’y aurait pas de correspondance entre le flux immatériel et le sujet, tandis que depuis plusieurs années, les psychanalystes, psychiatres et autres acteurs tentent de démontrer la coexistence entre le sujet et l’inconscient. En partant de ce principe, l’inconscient pourrait être considéré comme étant la partie consciente corporelle. En effet, nous attribuons une importance telle à la conscience et notre faculté d’intellectualiser que nous en oublions ce qui se révèle être la source même de cet état, notre corps, celui qui détient notre capital génétique, celui qui détient la matérialité de notre être, celui qui agît par ses propres moyens, de manière mécanique, fonctionnelle, structurelle. Ne résiderait-il pas une forme de conscience corporelle ?
C’est à ce niveau qu’il devient possible d’établir un lien avec le flux immatériel. Si l’instinct est l’un des fondamentaux de notre conscience corporelle et que l’instinct créatif peut en être un composant et que le flux créatif prend forme par cet intermédiaire, il est clair que le flux immatériel et l’inconscient interagissent ensemble, que ce dernier intervient comme un réceptacle. Comme si toutes les données, informations, transmissions absorbées par les tissus corporels deviennent des éléments de langage qui permettent de communiquer avec l’état conscient. L’inconscient transmet ses messages en produisant des émotions, un mouvement corporel qui produit des réactions physiques, physiologiques, émotives parfois temporaires et toujours involontaires par le sujet. La manière dont ces messages sont reçus lors d’un état de conscience ou de sommeil (rêve), cela fera l’objet d’un chapitre à part. Cependant, les principes et processus de communication ou bien encore les manifestations corporelles et réactions comportementales permettent déjà de bien comprendre les différents vecteurs.
Il est désormais important de spécifier la manière dont est vécue cette situation. Elle se manifeste de manière si intuitive, mais le mot paraît trop faible, il serait peut-être plus précis de l’évoquer de manière instinctive, tel un besoin caractérisé comme une évidence ! L’instinct créatif existerait au même titre que l’instinct de survie et peut-être d’autres.
Un artiste n’a-t-il jamais vécu ce moment où il se devait de prendre un outil (crayon, pinceau ou autre) par pulsion créative et au détriment de ce qu’il l’entoure, à remettre à plus tard ce qu’il était en train de faire juste avant. Il ne peut résister non pas à son envie mais à son besoin de créer ou d’agir dans cette mesure. De la même manière qu’il devient impossible de se contrôler lorsque la soif ou la faim envahit le corps et handicape le sujet tant qu’il n’a pas satisfait le besoin corporel. Le fait de prendre l’exemple d’un artiste n’exclut pas les autres de cette situation, bien au contraire, cela se manifestera à différents degrés avec des phases plus intensives que d’autres et parfois temporairement inexistantes. Sans pour autant pouvoir réussir à contrôle ce flux créatif qui serait incontrôlable, il semblerait par contre possible d’être plus réceptif à certains ‘moments’ que d’autres et de pouvoir maitriser cet état.
Lorsque le contenu créatif est à la portée de l’état de conscience, il est parfois amusant de constater à quel point il peut être séduisant, avec la sensation de détenir l’idée du siècle, puis une fois matérialisé et intellectualisé, de constater qu’elle a perdu toute son attractivité, qu’elle devient vide de sens, d’une banalité absolue. L’intellectualisation, ayant pris le pas, l’idée se dissipe, se dissout et disparait, au lieu d’éclore et d’évoluer dans un environnement qui pourrait faire qu’elle se réalise.
A l’inverse, la même idée pourrait détenir une force considérable, d’influence même, si ce n’est de persuasion sous l’appui d’une conviction et d’une détermination défiant toute épreuve, en somme la volonté. L’instinct prend donc le pas, le sujet se laisse guider et l’idée prendra forme et révèlera son sens de par elle-même.
Cela explique en partie pourquoi certains les réalisent et/ou d’autres finissent pas les ignorer ou les oublier, et dans les deux cas de figure que certains puissent réussir et d’autres échouer.
Pour en revenir au flux immatériel, qu’il s’agisse de l’apparition ou acquisition d’une idée, d’un concept ou d’une image, il est intéressant de pouvoir constater que ce processus n’est pas lié à une intellectualisation du sujet et encore moins corporelle mais peut s’assimiler à une source immatérielle toujours en évolution, fonctionnant en totale autonomie et caractérisé par le mouvement.
Quelle est la nature de cette potentielle source immatérielle ? Il s’agit d’une question qui dépasse ce champ de réflexion mais qui pourrait devenir une axe de recherche par la suite.